págª mantenida por Lorenzo Peña
Afganistán: Una página de ESPAÑA ROJA

Les amis des talibans
Dans les années 80, le Saoudien Oussama Ben Laden fut l'un des principaux recruteurs des quelque 35.000 militants islamistes arabes, africains et asiatiques qui luttèrent contre l'Armée rouge. Ben Laden bénéficia du soutien des autorités américaines et de celui, sur place, de la CIA. Au Pakistan, en 1993, avec le retour au pouvoir de Benazir Bhutto, les talibans connurent un essor inespéré.
Issus d'un mouvement apparu en Inde pendant la période coloniale, les "déobantis" se proposaient de régénérer la société musulmane sunnite et de mettre les textes islamiques classiques en harmonie avec la réalité de l'époque. Ils créèrent des écoles (madrassas) qui, après la partition de l'Inde en 1947, se développèrent au Pakistan.
Les déobantis créèrent un parti politique, la Jamaat-Ulema-e-Islami (JUI). Pour revenir aux affaires, Benazir Bhutto eut besoin des militants de la JUI et décida de les utiliser pour contrer l'influence des islamistes proches de l'ancien pouvoir.
Sous la dictature du général Zia ul-Haq, la conduite de la guerre menée en Afghanistan par les groupes islamistes sous contrôle du Pakistan était dirigée par les services secrets pakistanais, avec l'approbation et le soutien des États-Unis.
Pendant le conflit, et jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Benazir Bhutto, la JUI établit des centaines d'écoles le long de la ceinture pachtoune entre le Pakistan et l'Afghanistan. Ces écoles dirigées par des mollahs souvent analphabètes "produisirent" des centaines d'étudiants (talibans). Les États-Unis et l'Arabie saoudite soutinrent la JUI, l'aidèrent à financer ses usines à talibans et favorisèrent leur entrée en Afghanistan pour y mener une guerre de conquête, dès l'automne 1994. Le 27 septembre 1996, les talibans prirent Kaboul. En arrivant dans la capitale afghane, ils se précipitèrent dans un bâtiment placé sous contrôle de l'ONU pour se saisir de l'ancien président communiste, Najibullah, le torturèrent, puis l'attachèrent au pare-chocs d'une voiture pour le traîner dans la ville avant de le pendre à un réverbère.

Rétablir l'ordre
Après s'être rendus maîtres de la ville, les talibans appliquent aussitôt leur conception de la Charia, la loi islamique. Des dizaines d'amputations sont pratiquées, les femmes souvent bastonnées à mort lorsqu'elles laissent entrevoir un peu de leur chevelure. Le travail leur est interdit, ce qui implique que les 40.000 veuves de Kaboul sont réduites à la mendicité. Deux jours après la prise de la capitale afghane, l'émissaire des Nations unies pour l'Afghanistan, Robert Hole, engage aussitôt le dialogue avec les nouveaux maîtres de Kaboul ne voyant "aucune objection" à ce que les talibans appliquent la Charia, à condition qu'"ils rétablissent rapidement l'ordre". Les États-Unis suivent attentivement la progression des talibans. En octobre 1995, ceux-ci s'emparent d'Herat, une ville proche de la frontière avec le Turkmenistan.
Le 21 octobre, la société pétrolière américaine, Unocal, signe un contrat de 3 millards de dollars avec le chef de l'État turkmène, Saparmourad Nyazov, pour la construction d'un gazoduc devant relier le Turkmenistan au Pakistan en traversant l'Afghanistan. Pour cette opération, Unocal s'est associée avec une société saoudienne, Delta Oil.

Toujours en 1996, Oussama Ben Laden revient en Afghanistan, il a développé une relation d'amitié avec le chef suprême des talibans, le mollah Mohammed Omar. L'influence de Ben Laden n'a cessé de se faire sentir auprès des talibans depuis cette époque. C'est lui qui met en contact les "Afghans" arabes et les talibans. C'est lui qui propage l'idéologie pan-islamiste parmi ces "étudiants" sans culture. Les prises de position anti-américaines et anti-saoudiennes des talibans sont, semble-t-il, dues à son influence croissante. Mis au ban de la communauté internationale, surtout depuis les actions hostiles à l'égard des États-Unis déclenchées par Ben Laden, le pouvoir taliban en ressent une frustration dont il semble avoir trouvé l'exutoire en détruisant les témoignages du passé.
[...]
Les talibans sont néanmoins revenus au centre de l'actualité internationale, objets d'une réprobation presque unanime. Mais, si l'on évoque le passé, faudra-t-il se rappeler qui les a fait rois?


Alain Van Der Eecken.
© Rossel & Cie - Le Soir magazine.